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Politique, littérature, science.

A propos du dernier livre d'un pauvre type : Les Porcs de Marc-Edouard Nabe.

 

          Marc-Edouard Nabe nous avait promis rien moins qu’un chef d'œuvre. Tel un Hugo fustigeant naguère le tyranneau Badinguet, il devait lui aussi venger la vérité bafouée, insultée, salie disait-il, par le nouveau despotisme régnant : le complotisme. Nouvel Hercule diligent de ces écuries d'Augias de l'imposture, il devait  ridiculiser, frapper, nettoyer, réduire à rien de méchantes doctrines, ainsi que leurs misérables suppôts, en un livre éclatant, superbe et définitif. Il devait donc prendre la plume et embraser le ciel même du feu de ses anathèmes. Prévenus, nous attendions avec impatience le fruit splendide d’une si jupitérienne colère. La grossesse a duré trois ans. Le parturient nous annonçait périodiquement, en des bulletins martiaux, en des abois réguliers, la tombée prochaine des foudres, l'anéantissement bref et soudain de tous ses ennemis complotards, ahuris et figés, dûment pilonnés par la puissante géhenne, aplatis, schlagués, mis en déroute. L’ouvrage de cette messianique croisade, intitulé Les Porcs, est finalement paru. Le rideau de ces radieuses promesses de victoire s’est, dans des bruits de couinements, solennellement levé sur ces nouveaux compagnons de Circé. On a vite regardé. Et vidimus. Rien que des phrases creuses, triviales, plates, sans substance, sans beauté, sans hauteur, des ricanements liquides, des simplismes vraiment étonnants et qui, sphinctérisés, fusaient, lamentables et ignobles, au milieu des sifflements rauques d’un pauvre idiot accroupi, excrétant sous lui, et en pouffant d’aise encore, des débris corrompus de pensées vagues, toutes mortes et frelatées aussi, des blagues racistes et usées, des petits ragots de lupanar, même pas inédits. Pas un seul portrait brillant, pas un seul qui resterait ; on tourne encore les pages, en vain, rien ne s’y distingue jamais, par le talent, du monceau d’inepties qui se publient de nos jours ; aucune description enlevée, aucun dialogue serré, un peu façonné d’art, ne viennent non plus interrompre parfois la monotonie de ce fade écoulement, non, rien que des platitudes partout, et jetées en vrac, pour ainsi dire, ça et là,  en mornes séries de scurrilités faciles, bêtement agressives, répétitives ; et puis des flatulences pénibles, des méchancetés ternes de malappris. Ce titre bloyen était un leurre grossier et rien de plus que l’étiquette fallacieuse couvrant ridiculement de son air de réclame des flèches bien émoussées pour un archer aussi vaniteux, aussi sûr de soi. Il faut donc le dire très simplement, comme un fait net et positif, la grondante montagne a accouché d'une petite souris. MM Soral et Dieudonné, visés principalement dans ce trop gros livre, comme annoncé urbi et orbi, étaient de surcroît censés, comme nous l’avait notifié Nabe, avec sa coutumière exagération, se suicider(sic) tous deux, comme un seul homme, à la seule parution du livre vengeur. Je crois que ces deux démagogues vivront encore un peu.

           Mais dans ce livre essentiellement vulgaire et qui s’étale niaisement en des phrases sans grandeur et en des jugements sans élégance, il y a une équivoque qu’il faut absolument lever. Certains musulmans, trompés par les apparences, ont cru à la sincérité de Marc-Edouard Nabe, quand, il y a seize ans, au moment de la chute des Twins Towers, il se livra aussitôt, en des trémoussements ivres, obscènes et incohérents, à un éloge enflammé d’Oussama Ben Laden. On comprend bien que par une suite fatale de la même position, l’auteur des Porcs se voit aujourd’hui contraint, par l'effet du même système puéril de délire théâtralisé, de mordre toute opinion qui, en attribuant ces évènements en particulier à des agents occultes, paraitrait anéantir dans leur principe des attentats politiques dont notre auteur, ignorant et peu réfléchi de sa nature, se fit, dès cette l'époque, et avec une sotte grandiloquence, l’apologiste auto-publicitaire. C'est, qu’en réalité, ces hypothèses conspiratistes, dans la libre fantaisie de leurs canevas débridés, dans leur profonde vérité parfois, perturbent, irritent, gênent d'abord la grande vision maladive de Nabe, dérangent essentiellement les lueurs extrêmement troubles, en lui, d'un Orient d'imagination, d'un Islam politique fantasmé, de pure rêverie, fait surtout d’exclusives passions destructives, et qui le fascinent, le hantent, le travaillent comme une sourde obsession. Car ses propres livres, qu’il voudrait de révolte, de taille et d’estoc, qu’il voudrait géniaux tout simplement, ses livres ne sont, et malheureusement pour lui, que médiocres, faute bêtement de ce qui leur manque pour ne l’être pas : un style puissant, éblouissant, magistral. Et ils sont, de fait, quoiqu’en puisse dire Nabe, tous irrémédiablement promis à la démonétisation rapide, entrainés fatalement, irrésistiblement, et d'un même ensemble, comme des étrons flottant à demi sur un fleuve, vers le froid sheol des minores oubliés, ainsi que le veut la grande et juste loi d’airain qui gouverne l’art littéraire. Notre mince auteur a donc nécessairement dû, vers la fin des années quatre-vingt-dix, un peu inquiet, fébrile déjà, toujours vaticinant, afin d’éviter surtout la précoce banqueroute littéraire, il a dû investir à fond, et sans nuances, toutes ses billes de sous-scribe, constituant son maigre avoir littéraire propre, les fourrer toutes dans ces violences politiques, en y mettant passionnément, comme s’il eût été envahi, possédé, secoué à cet instant, par les âmes gémissantes aux Enfers de tous les Trissotin passés, y plaçant toute sa dignité professionnelle d’écrivain-chaman-agité-de-transes, toute cette défroque burlesque et particulièrement grotesque de visionnaire violent dont, pour la petite et la grande galerie, il s’était peu à peu composé un personnage. C’était véritablement, pour quelqu’un comme Marc-Edouard Nabe qui vit entièrement soudé à ce qu’il prétend mépriser, c’est-à-dire pour cet éternel rebelle pour rire, ce révolté menu à tant de sous la ligne, c’était vraiment, ces attentats, dits « islamistes », une occasion authentiquement inespérée d’y gagner enfin, par le court-circuit incontrôlé d’une projection pathologique et à fortes prétentions esthétisantes, un métonymique certificat de dynamiteur.

           Mais notre pauvre Nabe, qui veut tout casser, parait-il, tout détruire de ce qui tient à l’ordre actuel des choses, Nabe qui, assis confortablement à sa table de travail, dit volontiers, entre deux thés tièdes : « Crève occident ! » est, en réalité, avec ses muscles mous, sa tête à claque et ses genoux cagneux, dans une tradition tout à fait établie, un genre spécial et bien répertorié. En effet, les vaines affectations d’anarchisme intégral, de rébellion radicale, les poses comminatoires et hautaines de dandys pétroleurs, si nettement caractéristiques des théâtralités mercenaires et domestiquées d’une certaine classe d’écrivains occidentaux, que l’on pourrait appeler des castrats littéraires, des plats Farinneli du verbe à la douzaine, ont souvent prétendu trouver parmi les mœurs et les résistances des peuples colonisés, la matière brute de leurs bruyantes postures iconoclastes, et cela presque toujours par un mécanisme aberrant et faussé d’identifications intermittentes. Seulement, les pulsions intimes les plus contradictoires, les instincts les moins conciliables, les moins avouables, n’en continueront pas moins à se heurter sans répit, sans trêves, à se succéder invariablement, de manière cyclique et répétée, dans ces petites têtes facilement perturbées, et naturellement cela se manifeste le plus souvent dans les proportions prévisibles et glaçantes d’un jeu malsain d'oscillations, se balançant continument entre fallacieux élans pseudo-généreux et déjections racistes. Ainsi, Marc-Edouard Nabe dit à tel endroit défendre, soutenir les musulmans, et puis, à tel autre, à la moindre infime contrariété, au moindre obstacle, comme dégoupillé de son pus, il éclate, se dévoile, se répand, en injures basses, en injures bêtes. Je laisse le lecteur juge du passage suivant ( page 499 ) : « Mon bon webmester, brave kabyle (sic ), serviable bien que buté (sic ), essaya de désencrasser la bougie ( …) en vain. Of course, a-t-on déjà vu (sic) un arabe réussir à réparer quoi que ce soit ou à faire correctement quelque chose, tout simplement ? ». Ineptie qui n’est du reste que l’imbécile récidive de cette autre stupidité  (page 256 ) : « En discutant, je m’apercevais que ces Arabes étaient aussi sympas qu’obsédés, rigides, méfiants, et limités ( sic ). Et si peu littéraires ! ». Et tout le livre est rempli, à peu près tous les quatre ou cinq pages, de propos minables comme ceux-là, dont il serait fastidieux de faire le compte, mais qui lui composent vite une atmosphère proprement irrespirable ; et on voit bien que Nabe, avec cette goguenardise raciste, ce mépris enjoué et rieur bien digne d’un ancien colon d’Algérie, et dont il n’a même pas l’air de prendre conscience, offre, en réalité, sa soit disant solidarité aux damnés de la Terre, exactement à la façon particulièrement ignoble dont un salop fini vous offrirait, en souriant béâtement de toutes ses dents , une pâtisserie fourrée de petits grains d’excréments. Mais ça continue, tout le long du livre, quasiment sans arrêt ; la fange, la sanie, s’écoulent, épaisses, abjectes, surabondent en cette tête creuse. Notre négrophile prétendu, après tel filandreux accès de jazzophilie ordinaire, un peu comme on parle de racisme ordinaire, puisqu’il délire également sur le jazz, sur l’islam, comme sur tout le reste, comme la finance, le darwinisme, l’Histoire coloniale, par exemple, qu’il ne comprend pas davantage, demande benoîtement ( page 471 ) si « c’est du racisme que d’admettre plus volontiers que l’homme africain a plus quelque chose du singe ( sic ! )… ». Nabe, malgré ses exorbitantes prétentions littéraires, que strictement rien dans œuvre ne pourrait justifier, ne peut pas s’empêcher d’exsuder ces misères, qui sont le vrai fond de son esprit léger et cafardeux, et qui le jugent entièrement, sans même que ce jobard décérébré paraisse, là aussi, s’en apercevoir un seul instant. Il y a de tels mots de cloaque, de tels sales mots de bas-fonds et de populace qui vous situent immédiatement une intelligence, vous la clouent une bonne fois. Il n’y a pas moyen de conclure autrement. On en est évidemment triste pour ce laborieux, cet écrivassier, qui s’est tant démené pour qu’on l’admire, et qui voudrait tant avoir la grâce inouïe, la merveilleuse profondeur et la pure génialité d’un écrivain de première ligne. Mais c’est plus fort que lui, ces stupidités-là, elles surgissent « toutes armées » de ses réflexes mentaux de péquenaud profond ; Ce sont, étalées, laides, gluantes, maladives, ses pensées habituelles de pantin bâté et qui, le rivant, alourdi, au sol, l’empêchent d’être à jamais autre chose qu’un atterrant et bourbeux imbécile. Est-il question, par exemple, de l’activiste Kemi Seba, et d‘une réunion, dans la banlieue de Paris, de militants panafricains, alors ( page 637 ) « l’odeur était forte ». Un autre personnage ( page 769 ) arrive «  avec un copain noir qui avait la banane ( comment vous dites, vous, quand un Africain a le sourire ? ) » etc, etc. On sait que dans la Doulce France, patrie des DH, le besoin se faisait généralement sentir d’un successeur au défaillant Michel Leeb. Cette vacance, qui nous privait, sans raison valable, du sel de l’esprit français, contristait bien cruellement, il faut le dire, tous les joyeux drilles. Eh bien, les ris et tapements de cuisse reviennent, Dieu merci, et copieusement servis par le sémillant Marc-Edouard Nabe, qui, désormais, pour l’entière satisfaction de ce bien sympathique public de cons dégénérés, leur a largement administré la préjudicielle preuve, exactement reproduite ici, qu’il est de toutes les offensives, de toutes les ruées joyeuses, où triomphent, sous un soleil radieux, les fantassins de choc d’un Austerlitz d’imbécilité. Mais on sent bien qu’il manque là un tour d’écrou à cette sottise, qu’un bubon fait défaut, car la bêtise raciste étant prévisible de sa nature, on se doute bien que le mot de juif, ce mot qui, depuis deux mille ans, flamboie sur-le-champ dans le crâne étroit et fêlé des brutes de l’antisémitisme, que ce mot-là, précisément, ne tarderait pas non plus  ; et on découvre sans surprise la grosse, l’énorme perle qui suit ( page 78 ) : « Quant à la femme noire, elle adore baiser un Juif (sic), car elle sait très bien  qu’elle ne pourra jamais réduire en esclavage un blanc « normal », ( sic ) mais un juif qui sait ce que c’est, si ! ». C’est vraiment terrible et de mépris de soi d’abord, de publier de pareilles conneries, terrifiant de bassesse badine, consternant d’affalement gaillard et enjoué dans la médiocrité exultante. Et quelle langue, et quel style, Grand Dieu ! Un style farce de cancre qui pisse à côté, décidément peu transcendant, un style paillasse et glaireux, aux queues de phrases toujours mal ajustées, le style poissant, balourd, carabin, ballot, jerricane, dissonant, de bête potache, qui est bien sa pauvre manière habituelle à Nabe, et parfaitement incapable surtout d’assaisonner d’un peu d’art au moins, d’un peu de talent vrai l’épaisse et sotte vilénie qu’il enveloppe ici, prépare malgré lui pour le définitif oubli.  Mais, à envisager les choses d'un point de vue plus général, la seule question qui vaille, quand on a contemplé, effaré, car le mot lire ne convient plus ici, l'excrétât huileux qui précède, la seule question pertinente qui taraude, lancine, est de savoir précisément par quel cheminement psychique disloqué, par quel effort baroque et infundibuliforme d'une plate intelligence d'imbécile vers la pure lumière, par le truchement ménorrhée de quelle putride idéogenèse de sous-larve, de quels lipides suintements du bulbe, par l’inouï vecteur de quel haut prodige de conception concave d'un petit avorton pressurisé, de quel gâtisme amphibie et oraculaire, susceptible d'une telle pulvérulence trissectrice dans la crétinerie certifiée, par laquelle enfin, Seigneur, de ces torsions bizarres et scientifiquement répertoriées de la pauvre cervelle humaine, un type aussi con, aussi limité, aussi densément ignare, a-t-il pu se prendre un jour pour un "grand écrivain" et tâcher ensuite, de le faire accroire à d'autres fibreux abrutis, ânons sanieux et heureusement hongrés, mais restés certes, assez peu nombreux, il est vrai, à brâmer de conserve autour d’une telle auge. Malheureusement, notre époque confuse et enfumée, qui manquait assez d’une religion établie, après avoir si imprudemment renversé les autels autrefois, a fini par instituer celle de ce culte effréné et délirant de l’écrivain, culte assez récent qui a été la sortie d’Egypte de tout ce que la société comptait alors de tarés, de bons à rien, de couillons, d’ahuris délabrés, jusque-là obscurs, et docilement confinés à l’ombre. Et on a vu aussitôt, par la folle et démoniaque contagion d’une furieuse rage d’écrire répandue presque partout, fait véritablement unique dans l’histoire, on a vu la surproduction de papier imprimé, déjà considérable, monstrueusement anormale, dépasser exponentiellement toute prévision, toute limite assignable, mettant ainsi à la portée de ce genre d’énergumènes, la possibilité de produire au grand jour leurs borborygmes ; et beaucoup d’excessifs zombis, saisis du prurit soudain de la publicité, ont fait exactement comme Nabe, et une armée de minus a déversé à foison son trop plein de sottises dans les librairies.

            Mais il y a du Quichotte aussi, et surtout beaucoup de Pança, dans tout vaniteux sans charisme véritable et, dans le cas de Marc-Edouard Nabe, ce monde d’illusions naïves, loin de s’estomper graduellement avec l’âge, s’aggrave au contraire, on va le constater, de la prétention excessivement comique à en imposer toujours au beau sexe. De ses rapports violents avec l’Orient, on sait que l’Occident colonial a tiré notamment une vision figée de la femme arabo-musulmane, laquelle y est réifiée platement en des types imagés propres aux étroitesses prétentieuses des ignorances européennes. L'orientalisme a cependant changé de forme et ses équivoques bien connues se sont adaptées aux modes nouveaux de domination. L'indolente recluse des harems turcs et l'énigmatique algéroise des tableautins niais du XIXème siècle est maintenant une pasionaria télévisuelle. Sa soeur de 1890 était figurée lascive et mutine; Habitant l’Europe, ses éventuelles protestations la donnent encore en spectacle et elle est exposée aujourd'hui sur tous les plateaux médiatiques comme le même perpétuel objet nimbé de désir, de mépris et de crainte, d'envie brutale de stupre et de répulsion, comme une distractive rebelle en somme, faite pour effrayer un peu les notaires de province, et son discours enflammé n'est guère plus que la petite dague que, dans les mauvais films d'autrefois, brandit avec une colère enfantine l'orientale séduite à la fin par l'aventurier occidental. Tout ça, qui, étalé complaisamment, sent le rut et la parade, forme aussi une atmosphère glauque de concupiscence et de lutte mêlées. Et ces vapeurs rances devaient logiquement attirer un Marc-Edouard Nabe. Il fallait donc que se rencontrassent un jour le guignol de l'antisémitisme et Houria Bouteldja, la bouillonnante égérie marxisante des quartiers immigrés. La rencontre eut lieu, il y a quelques années, à l’institut du Monde Arabe. La politique finit souvent par conférer, et même aux plus médiocres agitateurs, car il faut lui reconnaitre ce mérite, qui n’est pas mince, une sûre promptitude de jugement sur les individus, un coup d’œil rapide, précis, aigu. On imagine donc aisément que Houria Bouteldja, ait très vite estimé, en sirotant son café, et exactement pour ce qu'ils valent, le cirque infantile et les tartarinades pédiculaires d'un écrivain de deuxième ordre. Et elle a fait ce que l'on fait en pareil cas, quand on est bien élevé, et qu'on se voit forcé, en souriant, de converser avec un bouffon sans grand intérêt ; elle a affecté une réserve polie, prudente, féminine, en guettant attentivement la première occasion de filer. Nabe, moins heureux que d’autres sans doute, dut rengainer derechef ses impatientes pulsions génésiques. Ce qui nous vaut, de l'histrion dépité, qui relate, encore tout attristé, cette rencontre dans son livre, des lignes piteuses, et avouons-le, d'un très joli comique involontaire ( page 863 ), en lesquelles, y pleurnichant d’abondance, comme une petite midinette manucurée, il se dit et redit, en effet, fort « déçu par l’indifférence de Bouteldja pour son travail (sic) et sa personne. ». Car, bien entendu, il ne comprit absolument pas ce jour-là, et n’a probablement toujours pas compris, le peu d'empressement que la fondatrice du P.I.R mit à le louer et notre titan éberlué, tétanisé de surprise, vitrifié de stupéfaction, sur le moment en tituba d’émotionnement constricteur, crucifié sèchement sur le Golgotha de son impayable suffisance. Et le furibond bravache Marc-Edouard Nabe, majesté royale s’estimant lésée, a immédiatement la sale, l’impardonnable ignominie de reproduire, tout à la suite de cette scène, deux pages entières d’insultes racistes proférées certes, vomies par des merdaillons d’internet, à l’endroit d’Houria Bouteldja, mais les citant, lui, Nabe, avec une complaisance telle, une telle allégresse perceptible, perçant si aisément sous le trottant ton patelin et faussement consterné, qu’elles sont absolument sans équivoque quant aux sentiments profonds de haine raciale qui habitent ce sinistre raté des lettres, manifestant là, une nouvelle fois, une énième fois, à grands flots stertoreux et satisfaits, sa perversité recuite de visqueux fantoche.

           Il est vrai qu’il s’encolère, qu’il explose plus fréquemment qu’avant, car Marc-Edouard Nabe n’est plus à l’âge des espérances, il en est fort loin, et il produit cette pauvreté, Les Porcs, qui est sans grand talent, sans aucun génie, sans avenir. Ne pouvant guère éblouir le lecteur en détail, il y prétend surtout l’impressionner en bloc, par l’hypnose voulue, l’abrutissement décidé d’un bon demi-kilo, pour le moins, de prose banale. Mais ces 1 000 pages des Porcs, prises en elles-mêmes, assenées d’un coup, c’est-à-dire relevant de la pure quantité, de la simple masse, cela ne suffit pas à faire illusion bien longtemps et peu de gens, en définitive, admireront, cela est tout à fait certain, ces pages médiocres vouées aux silos du néant. L’hypothèse en somme d’un définitif ratage se profile pour lui, amère et désolée ; et l’époque n’est déjà plus où il pouvait, par des éructations antisémitiques, se hisser à une vague notoriété de mauvais aloi. D’ailleurs, plus passeront les années, moins sa fortune déclinante et son visage ridé de clown surfait lui permettront d’éblouir, par ses paradoxes d’imbéciles, de ces jeunes femmes naïves, de trente ans ses cadettes, par le biais salement cauteleux d’un pro-palestinisme hypocrite[1]. Balloté désormais par les affres douloureuses d'une vie qui sonne de plus en plus creux, car déviée un jour, on ne sait vraiment trop pourquoi, vers une fausse vocation d'écrivain, Nabe, mis en quarantaine par le milieu littéraire, qui, l'ayant primé à son poids exact, lui marchande chichement son admiration, s'est probablement imaginé qu'il trouverait bien auprès des nombreuses victimes du colonialisme un gros public naïf de basanés complaisants, une bonne foule docile et maniable d'adulateurs ingénus. Cet essai pitoyable et de nul résultat est, bien entendu, doucement illusoire. Tout de même, des questions surgissent, planent, irrésolues. Il est bizarre vraiment que ce type puisse croire pouvoir injurier, salir les gens comme ça, impunément, flatuler tout à l'aise au nez de ses contemporains, et puis déféquer dans tous les coins ses déplorables déchets nerveux, dans des roucoulements torves de pitre euphorique, agrémentant ses extases rustaudes d'une sorte de gloriole guillerette dans l’irresponsabilité hilare[2]. Est-ce que la cause de son attitude n'est point à chercher d'abord dans ce que montrent à l'évidence les coloriages d'attardé qui tapissaient les murs crasseux de son ancienne galerie en faillite ? Est-ce que ces fumeux gribouillis, est-ce que ces faibles regrats d’un maldoué, ces croquis limoneux, singulièrement balbutiants, allantoïdes et filamentaires, n'indiquent pas clairement l'avortement lamentable en lui de facultés essentielles et possiblement créatrices, une définitive immaturité d'esprit, en somme, un racornissement navrant de fibres mentales et qui le dévoueraient entièrement, et pour toujours, aux stridences niaises du nourrisson, aux innocents gazouillis de l'enfance bavasse et merdeuse ? Il est possible que, si on le secouait fortement, pour rire un peu, s'entend, on percevrait en lui, d'abord faible, montant assez sourdement, puis éclatant dans l'air, radieux, suraigu, pétulant, on entendrait un tressautant et sonore tintinnabulement mongolique, attristants bruits de grelots d’un farceur caduc, et cela terminerait l'analyse de cet infatué malpropre. En tous les cas, quelle que soit la diagnose qui donnerait le nom exact de ses déficiences, qu'il comprenne bien surtout qu'il n'est pas question pour nous de tolérer la moindre insulte, le moindre mot déplacé ou injurieux, venant d'une médiocrité telle que lui, d’un misérable soupeur, en réalité, raclant, dans la nuit de son néant, à tâtons et la gueule ouverte, les maigres fonds de latrines d'un sous-Célinisme à la dérive.

 

                                                                                                                                 Didier FORTUNÉ

 


[1] Je lis ce qui suit, sur Mixbeat, le site d’une certain Carl de Canada, à la date du 23 décembre 2014 : « J’ai croisé Nabe en 2011, je pense (…). Je suis allé au lancement de son bouquin où j’ai croisé sa copine, celle qui fait du théâtre, je ne sais plus s’ils sont ensemble. Même si c’est contraire à mes principes, je n’étais pas contre le fait de la sauter, sa copine. Vu qu’elle m’avait fait comprendre qu’elle était très mal baisée par Nabe. Puis je suis passé à autre chose. Un soir on s’est croisées elle et moi sur un quai de métro, et j’avais repris son téléphone, mais il n’y a pas eu de suite. » Bien entendu, je pourrais sur ce « très mal baisée par Nabe » faire du pur Nabe, c’est-à-dire blaguer, insinuer…, et ce serait tout aussi nauséeux que ses propres textes, où, toujours ricanant, il se vautre dans la délation de ces tristes misères. Quoiqu'il faille naturellement mépriser le peu charitable dévoilement de ces choses-là, comme je les méprise moi-même, j'ai pensé, cependant, que de jeunes personnes, tentées peut-être par notre frétillant barbon, et induisant trop hâtivement de la petite notoriété de Nabe à cet herculisme priapée, que les femmes supposent souvent à tout homme connu, ne trouveraient pas entièrement mauvais que leur soient communiqués ces petits faits, susceptibles, je crois, de pondérer utilement les généreux élans de leur imagination.

 

[2] Voyant que les douteux soudards de Daesh éventraient et pillaient en Syrie, horreurs généreusement relayées par les médias de masse, comme il ne faut jamais omettre de le souligner, Nabe, devenu comme fou, surexcité, frénétisé, pour ainsi dire, par le flux pavlovien d’informations biaisées, fit aussitôt de ces faux croyants une très grossière apologie. Il la publia dans deux épaisses brochures, brouillonnes et surchargées de sottises. Ça s’appelle Patience et ce n’est pas grand’chose, même pour le critique le plus indulgent. On prétend toutefois, dans certains cercles, que de tels écrits, aussi absurdement incendiaires, sont forcément suspects d’insincérité. Faut-il alors que les archives de la Préfecture de Police nous apprennent dans cinquante ans quels furent les tarifs pratiqués par cet anarchiste ? S’il est un agent provocateur, tout s’explique et il n’y a qu’à constater, en se bouchant le nez, le fruit de ce labeur rétribué ; S’il ne l’est pas, on ne peut réellement que s’étonner de la complète inertie des autorités à son sujet, quand d’autres, qui avaient à peine esquissé un vague commencement d’accord avec ces tueries, ont été immédiatement incarcérés.

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